Le foot, ce sport de beaufs sexistes ?

Alors oui, d’accord, il ne faut pas faire de généralisations hâtives, il y a des gens très bien qui aiment, pratiquent, vont voir du foot. #notallsupporters #allsportsmatter #stopdiscrimination

BON OK, mais quand même, penchons-nous un peu sur la réalité du sexisme dans ce sport. C’est l’occasion, puisque pas plus tard que ce samedi nous avons pu en voir un bel exemple à Lyon lors du match opposant Lyon et Lille. Des supporters ont eu le bon goût de brandir des banderoles rappelant aux femmes que leur place était à la cuisine et non dans les gradins. C’est drôle hein ?

Pour celles et ceux qui ne seraient pas au courant, l’équipe féminine de l’OL compte un superbe palmarès avec 14 Championnats de France et trois Ligues des Champions. Mais bon, je dis ça, je dis rien.

Wendie Renard, talentueuse footballeuse de l’OL, a immédiatement réagi sur Twitter :

Ce a quoi a répondu Jean-Michel Aulas, en assurant qu’une plainte allait être déposée.

Sur Twitter, les réactions sont diverses. Beaucoup s’indignent contre ce sexisme flagrant, et aussi déplacé que stupide. Pourtant, certain.es déplorent que l’acte d’un ou deux individus ne ternissent l’image du foot. Il ne faut pas généraliser, nous dit-on. Mais est-ce bien là un acte isolé, non représentatif du sport et de son public en général ?

On se souvient pourtant des déclarations de Bernard Lacombe en 2013 qui, interrogé par une auditrice sur l’antenne de RMC, déclarait sans complexe :

Je ne discute pas avec les femmes de football. Je le dis parce que c’est mon caractère. C’est comme ça. Qu’elles s’occupent de leurs casseroles et puis ça ira beaucoup mieux.

De même, pour Pierre Ménès, commentateur sportif, « Le foot, c’est quand même un sport de mecs […] et pour voir une gonzesse dunker au basket, il faut se lever tôt. » Et si des femmes avait tout de même l’outrecuidance de pratiquer avec succès ce sport, alors elles étaient nécessairement « des grosses dondons trop moches pour aller en boîte le samedi soir ».
Bon, alors, Pierrot, quand on se paye une tête de victime comme la tienne, je pense qu’il vaut mieux éviter de mobiliser l’argument du physique sous peine d’un retour de flamme un peu brutal.

Pierre Ménès, prêt à chopper en boîte.

Mais PASSONS. Plus récemment, pour l’EURO 2016, nous avons vu ressurgir une énième fois le cliché de la femme un peu simplette qui ne comprend rien aux règles, et de l’homme bien viril qui la délaisse pour boire des bières avec ses potes devant le match.

Un article de Slate revient sur ce phénomène et tord le coup à l’argument selon lequel « Roh, ça va, c’est pour rire, c’est du SECOND DEGRÉ » :

Étrangement, la manifestation la plus visible et la plus grotesque de ce sexisme généralisé n’a pas récolté les commentaires qu’elle méritait. Au contraire, la vidéo commise par le collectif Lollywood au titre de «clip officieux de l’Euro 2016» est qualifiée d’«hilarante» ou de «déjantée». Tout juste concède-t-on que l’humour est «un peu gras» et que la vidéo est «bourrée de clichés sur le rapport des hommes et des femmes au foot», avant de préciser qu’elle «est à voir au second degré». Ce qui vient confirmer une règle immuable: quand tu as le sentiment qu’un truc est sexiste et qu’on te répond «T’as rien compris! Ho! C’est de l’humour!», c’est que le truc en question est VRAIMENT sexiste.

Les auteurs ont beau jurer «avoir fait exprès de mettre des gros clichés pour tous les détruire» et préciser que, comme le personnage de la fille prend la guitare pour raconter qu’elle va se venger en le trompant et en sortant picoler, bah du coup, c’est pas sexiste, en réalité, c’est encore pire. Puisque ça ne déconstruit strictement aucun stéréotype, mais les enfile les uns après les autres sans aucune mise à distance. La vidéo ne fait qu’en remettre une grosse couche sur le clicheton du beauf qui se gratte l’entrejambe devant France-Roumanie pendant que Madame se fait les ongles ou en profite pour le tromper.

La preuve que, si l’objectif était vraiment de démonter les clichés, c’est complètement raté, c’est qu’à chaque fois que la séquence est montrée à la télévision la présentation est assortie d’un absurde «Et bon courage à toutes les femmes pendant cet Euro de foot!».

Il est peut-être temps, donc, d’arrêter de mobiliser l’étendard de l’humour pour justifier des « blagues » sexistes de piètre qualité, et à l’odeur d’autant plus nauséabonde qu’elles ne font que renforcer les nombreux clichés qui imprègnent cet univers. Allez, on vous laisse regarder le documentaire de Canal +, plaidoyer pour la reconnaissance du foot féminin, et critique acerbe de la misogynie rampante dans ce sport.