France : un 21ème critère de discrimination reconnu par la loi ?
Les lignes ont commencé à bouger le 18 juin 2015 lorsque le Sénat s’est penché sur une proposition de loi inédite en France : l’interdiction des discriminations envers les plus démunis est maintenant une réalité juridique… Du moins en principe.
A l’instar d’autres Etats comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, la France vient d’adopter un vingt-et-unième critère de discrimination qui est l’interdiction des discriminations en fonction « de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue ». Il viendra s’ajouter aux 20 critères existants dans l’article 225-1 du Code pénal. En effet, l’Assemblée Nationale a adopté, après le Sénat plus d’un an auparavant, cette proposition de loi qui émanait du sénateur socialiste Yannick Vaugrenard, le 14 juin 2016. Cette nouvelle disposition législative était défendue par l’association ATD Quart-monde depuis de nombreuses années.
Cependant, les difficultés d’application de cette mesure sur le plan juridique en font plus un acte de plaidoyer qu’une véritable disposition contraignante dont les plaignants pourront se saisir. En effet, apporter devant les juridictions la preuve de la pratique d’une telle discrimination s’annonce d’ors-et-déjà extrêmement compliqué. Même l‘association à l’initiative de cette prise en compte législative se fait peu d’illusions : « faire passer ce critère dans la loi est la seule façon de faire comprendre le caractère inacceptable des comportements de discrimination » explique-t-on chez ATD Quart-Monde.
Les opposants à ce texte mettent en avant que cette proposition est d’avantage un texte d’affichage qu’une véritable mesure comme le disait à la tribune de l’Assemblée le député Les Républicains, Patrice VERCHERE : « Votre texte va poser des problèmes juridiques incommensurables, aggraver encore l’insécurité juridique dont souffre notre pays, par la création de règles et de normes de plus en plus floues ».
Cependant, pour les associations et les engagés pour la lutte contre les discriminations, comme « Agir pour l’Egalité », l’adoption de ce texte a une haute portée symbolique et éducative qui fera son travail de prévention, à l’instar du travail de prévention qu’ont fait les premiers textes interdisant le racisme et l’homophobie.
Il convient de rappeler que la France, d’après les chiffres de l’INSEE datant de 2013, compte 4,8 millions de pauvres (personnes disposant de moins de 814 euros pour vivre par mois), ce qui représente 7,9% de la population française. De plus, une dernière inconnue vient nuancer l’avancée majeure que semble constituer cette nouvelle législation : il faudra attendre que le décret d’application de cette loi soit adopté par l’exécutif pour que cette dernière soit véritablement effective. Jusque là, cela ne semble pas trop poser de difficulté… Sauf si on se remémore le sort réservé à la loi rendant le CV anonyme obligatoire, dont le décret d’application attend d’être adopté depuis… 2012 et qui a finalement été abrogée en 2015.
Pour plus d’informations : http://www.liberation.fr/societe/2015/05/25/la-pauvrete-une-discrimination-non-identifiee_1316321