Lyon : D’Hôtel-de-Ville à la Guillotière, le harcèlement de rue vu par les lyonnais.e.s

Dans le cadre de la 6ème semaine internationale contre le harcèlement de rue, le Centre pour l’Egalité a réalisé un micro-trottoir d’Hôtel de Ville à Guillotière en demandant aux passants ce qu’est le harcèlement de rue et s’ils avaient déjà été victimes, témoins ou acteurs de ce phénomène. Nous les avons également interrogés sur leur réaction face à une situation de harcèlement de rue et sur les moyens qu’ils mettent ou mettraient en place pour résorber ce phénomène. Au travers des réponses données, nous avons pu constater que la définition du harcèlement de rue est très large et que toutes les personnes ne connaissent pas ce sujet, qui fait malheureusement parti du quotidien dans notre société. Retour sur notre ballade.

Anissa et Nadima, 18 ans

Moi je le défini [le harcèlement de rue, NDLR] quand je marche dans la rue et que il y a des hommes qui me harcèlent pour avoir mon numéro de téléphone. Je crois que ça m’arrive 10 à 15 fois par jour. Alors je rigole ou je m’énerve ou je ne leur adresse même pas la parole. Mais je pense qu’il n’y a aucun moyen pour lutter contre ça, je pense que ça fait parti de la vie, c’est des hommes, on est des femmes, la femme attire l’homme c’est comme ça

Marie Domitille, 29 ans

En réalité c’est une intrusion quand tu n’en a pas envie, tu te balades et d’un coup tu as une réflexion désagréable. C’est aussi des gestes. Et comment je le ressens ? Sur le coup ça m’énerve énormément et après ça ne fait que diminuer la confiance que j’ai en moi. Du coup après quand je vais m’habiller et que je vais sortir, je vais me demander est-ce que je vais rencontrer un mec qui va me dire ça ? Je trouve que ça a trop d’influence sur ma manière de réagir. Ca m’arrive régulièrement. Prendre une réflexion « Mademoiselle vous êtes charmante », on me dit c’est pas grave ça va tu vas pas te plaindre d’être jolie, il faut que je me taise et que je me prenne ça…

Même les hommes semblent conscients de l’existence du harcèlement de rue et du caractère néfaste que peut avoir ce dernier. Néanmoins parmi les témoignages que nous avons recueilli, les hommes semblent plus enclin à relativiser ce phénomène plutôt que de le condamner explicitement. De plus, notons qu’il a été difficile pour nous de convaincre les hommes de répondre à nos questions. Etrangement, à l’évocation de l’expression « harcèlement de rue » beaucoup s’empressaient de décliner.

Hamza, Homme, 26 ans

Le harcèlement de rue il est verbal, c’est les regards, et la notion de persistance. J’ai beaucoup été témoin, quand je vivais au Maroc pendant 20 ans, en France beaucoup moins. Ça va toujours être des gens un peu « relou » qui ne savent pas quoi faire de leur journée. En France ça reste gentil par rapport à ce que j’ai connu au Maroc. Au Maroc, ça m’est arrivé d’intervenir, ça se finit toujours par « ouais tu déconnes, ça pourrait être ta mère, ta sœur… » Tu leur tiens un discours sensible et c’est bon…  

Gauthier, 20 ans

Je n’ai pas réagi parce qu’il n’avait pas matière à réagir….

Pierre, 20 ans

C’est quand une fille passe et que quelqu’un lui dit « t’es bonne madame ». J’en ai déjà été témoin à plusieurs reprises sur les quais, sur la place de la Guillotière, je ne m’implique pas parce que je ne veux pas avoir de problèmes.

Jade, 20 ans

Le harcèlement de rue c’est des personnes insistantes sur des propos qui sont dérangeants. J’y ai déjà été confronté quelques fois, des garçons éméchés ou normaux même. Ce n’est pas dérangeant tant que ce n’est pas vulgaire. La plupart du temps je ne leur réponds pas, je les ignore mais cela ne fait qu’empirer leur harcèlement alors parfois je réponds de manière cool pour qu’ils me laissent tranquille. 

Salomé, 23 ans

Je ne vis plus vraiment en France, et à l’étranger (Belgique et Canada), le harcèlement de rue j’y suis beaucoup moins confrontée. En France, j’en ai parfois été victime mais ça ne m’a pas vraiment marqué.

Tamara, 23 ans

En tant que fille j’ai déjà eu quelqu’un qui m’a mis une main aux fesses, pour moi le harcèlement c’est ça, un geste ou des mots déplacés. Quand ça m’est arrivé, j’ai appelé la police parce que j’étais vraiment dans une mauvaise journée ! Ils m’ont demandé une description du type et c’est tout, en même temps ils ne pouvaient pas faire grand-chose d’autre. Je pense que je ne fais même plus attention aux regards provocateurs des hommes, c’est un jeu lourd 

Guillaume, 23 ans

Si je passe avec une copine et que quelqu’un lui dis quelque chose, oui ça m’est déjà arrivé de lui dire de la fermer ». Guillaume

Kaithleen , 18 ans

Le harcèlement de rue c’est les gens qui ne sont pas tolérants envers les autres, par exemple j’ai eu les cheveux roses à une période et je me suis fait agressée par une fille dans la rue parce que j’étais différente d’elle. Elle m’a insultée et je ne me suis pas laissée faire, du coup elle m’a agressée.

Charlotte, 19 ans

Ça arrive surtout dans les grandes villes. C’est des remarques, quelqu’un qui aborde lourdement, des insultes. J’ai déjà été victime et témoin. Généralement ces gens là je les ignore ou je leur fait comprendre que non ce n’est pas possible. »

Au cours de notre micro-trottoir, nous avons pu nous apercevoir que pour certaines personnes, notamment des filles, il est normal de se faire accoster dans la rue, elles ramènent ça à de la drague. Certaines filles nous même affirmé : « oui je me fais accoster, mais comme toutes les filles donc non ce n’est pas du harcèlement ». Certaines trouvent également des excuses aux harceleurs comme « pour les mecs c’est un jeu, lourd, mais un jeu ». On peut sentir qu’il y a une certaine résignation dans leurs propos, comme si le harcèlement était quelque chose auquel elles devaient être confrontées, ne faisant plus réellement attention ou ne relevant plus la manière dont les hommes les regardent ou leur parlent.

Concernant les techniques et « astuces » pour lutter contre le harcèlement de rue, Christine, 44 ans, et mère de deux grandes filles qui ont déjà subies du harcèlement dans le métro, nous dit qu’elle leur a recommandé « de parler fort si quelqu’un commence à les harceler, pour que quelqu’un puisse intervenir », Gauthier, 20 ans dit d’ailleurs que « s’il faut j’interviendrais si je voyais quelque chose qui me choque ». Tany, jeune homme de 21 ans, évoque le fait que « les filles devraient avoir une bombe lacrymogène sur elles ». Hamza, 26 ans parle aussi du fait qu’il faudrait « inverser les rôles » pour faire comprendre aux hommes la réaction des femmes. Cependant, tous les passants sont unanimes sur un point : pour lutter efficacement contre le harcèlement de rue, le meilleur moyen est l’éducation !

Enfin pour conclure, nous avons pu interroger également des policiers municipaux près de la place de la Guillotière. Nous leur avons demandé ce qu’était pour eux le harcèlement de rue, ils nous ont répondu que cette définition était « large, recouvrait différentes choses comme les détritus dans les rues, les nuisances sonores la nuit ». Quand nous leur avons parlé de notre vision, c’est-à-dire les remarques machistes et sexistes d’hommes envers les femmes dans la rue, ils nous ont dit que certes ça existait mais qu’ils n’y étaient pas confrontés dans leur métier.