C’est arrivé à côté de chez vous… #1
Salut à vous chères lectrices et chers lecteurs !
Voici l’inauguration d’une nouvelle rubrique sur le site : « C’est arrivé à côté de chez vous ».
L’enjeu sera ici de vous donner un aperçu de ce qu’on entend tous les jours dans nos locaux dans le cadre des permanences d’accueil des victimes. Cette démarche nous a semblé utile car il est parfois difficile de se rendre compte de l’ampleur et de la régularité des actes de haine, de discrimination qui minent notre société au quotidien, surtout lorsque l’on n’y est pas soi-même confronté.e. Par exemple, moi, en tant que blanche, je ne suis pas victime de racisme et n’ai que peu l’occasion d’en être vraiment témoin dans ma vie de tous les jours. Il y a bien sûr les faits divers et l’actualité, qui permettent de prendre conscience du problème. Mais entendre les souffrances des gens qui défilent dans nos locaux, jour après jour, c’est un autre niveau de compréhension. Voici donc le récit de ce qui est arrivé aux personnes qui viennent demander notre aide. Le premier volet de cette rubrique reprendra une partie des différents témoignages reçus depuis l’été dernier, mais nous essaierons par la suite d’en faire un compte-rendu mensuel. Il ne s’agit pas de jouer gratuitement sur le pathos, mais plutôt à la fois de permettre à chacun.e de réaliser quel est l’état de notre société actuelle, et de susciter un sentiment d’indignation afin de conduire à des actions de résistance face à cet état de fait.
Nous vous présenterons la date de la venue de la victime, son lieu de résidence, mais ne mentionnerons pas de noms pour des questions de confidentialité et parce que les affaires sont parfois toujours en cours.
– Juin, juillet, août 2016-
- Lyon 8 – Un homme se retrouve poursuivi sur autoroute par un autre conducteur. Au bout d’un moment le conducteur pourchassé est descendu de sa voiture pour demander des explications. L’autre homme lui a répondu : « Qu’est-ce que tu as, tu as une bombe sur toi et tu vas te faire exploser … ? ». Il l’a ensuite menacé avec un tournevis, après quoi la victime alarmée est remontée dans sa voiture pour s’échapper. L’homme a cependant continué à le suivre jusqu’aux quais avant de tenter de l’intimider à nouveau, toujours en brandissant son tournevis, et en lui criant : « Sale arabe ! Je vais te planter…. On va mettre l’islam hors de France… Mais avant cela certains vont mourir. »
- Virieux le Grand (01) – Un barman a refusé de servir un coca à une enfant sous prétexte que : « de toute façon vu ta religion, tu ne boiras jamais d’alcool, donc tu n’as pas à venir dans ce bar ».
- Rumilly (74) – Une mère a été convoquée par la gendarmerie suite aux agissements de son fils qui aurait craché sur l’épouse d’un policier. Elle nous raconte que sur place, lorsqu’elle a demandé des explications sur les faits, et a voulu savoir s’il était certain que son fils était bien l’auteur de l’agression, le gendarme et sa femme auraient insulté son enfant : « C’est lui, le gamin noir, sale gamin, sale noir ! ». La mère a ensuite demandé au gendarme de lui fournir son identité, ce à quoi il aurait répondu en la poussant plusieurs fois violemment jusqu’à la jeter à terre puis en lui donnant des coups de pieds. Il aurait également attrapé l’enfant par le cou.
- Lyon 1 – Un homme a été refusé dans un bar car le propriétaire ne veut pas de personnes noires dans son établissement.
– Septembre 2016 –
- Lyon – Une jeune fille noire a perdu son passeport et a donc fait des démarches pour le faire renouveler. Mais lorsqu’elle s’est rendue à la mairie pour récupérer son nouveau passeport, on a refusé de le lui remettre au motif d’une décision préfectorale contraire. En effet, selon la préfecture, aucun document ne permettait d’attester de sa nationalité française, alors que la jeune fille était en possession de sa carte d’identité française. Nous avons pu avoir une photocopie du courrier du Tribunal d’Instance qui lui demande, sans ironie aucune, de fournir un nombre aberrant de documents, parmi lesquels :
- Les actes de naissance des 4 grands-parents
- Les actes de naissance des 4 arrière-grands-parents du côté de la mère.
- L’acte de naissance de l’arrière-arrière-grand-père paternel
- L’acte de naissance du père de l’arrière-arrière-grand-père paternel
- L’acte de mariage des arrière-arrière-grands-parents paternels
A l’heure actuelle, son passeport ne lui a toujours pas été restitué…
- Isère – L’employée d’une crèche a est victime de discrimination de la part de sa directrice qui fait régulièrement preuve à son encontre de racisme et d’islamophobie. Elle a déclaré à des parents : « Les arabes me pourrissent la vie. » La victime subit de nombreux reproches (par exemple au sujet de ses poses de congés). Lors d’une sortie scolaire, elle se sent humiliée quand la directrice lui demande d’ouvrir son sac pour vérifier qu’elle n’est pas une terroriste. Elle est désormais en arrêt maladie pour harcèlement moral. Par ailleurs, il apparaît que la directrice traite moins bien les enfants « d’origine étrangère » que les autres.
– Octobre 2016 –
- Rilleux-la-Pape – Une femme de confession musulmane vient nous voir pour des problèmes de voisinage. Elle subit du tapage nocturne et journalier continu depuis deux ans, a contacté la mairie, l’agence immobilière, déposé une main courante et porté plainte, mais en vain. En réaction, sa voisine a appelé la police pour l’accuser de terrorisme.
- Grézieu-la-Varenne – Une femme au volant de sa voiture n’avançait « pas assez rapidement » à un rond-point. Le passager de la voiture qui suivait est donc descendu et a donné un coup de pied dans la carrosserie. La conductrice tente donc de s’enfuir, sous les insultes de son agresseur. Ce dernier a alors tenté de lui arracher son voile et n’est parti lorsque le mari de la victime est arrivé sur les lieux.
– Novembre 2016 –
- Région lyonnaise – Une école refuse des candidatures de femmes musulmanes depuis des années (les candidates sont convoquées à un entretien mais ne sont jamais rappelées). Une femme de ménage est un jour venue travailler avec son voile, elle a été licenciée le lendemain.
- Givors – Le Péage de Roussillon (38) – Le Pont de Claix (38) – Villeurbanne : Plusieurs salles de sport refusent de laisser entrer les femmes voilées.
-Décembre 2016-
- Isère : Une femme étant agent polyvalent à la mairie de son village a subi des discriminations par le Maire du village. Cette femme nous dit qu’elle se fait persécuter depuis 2014, date où le nouveau maire de la commune a pris ses fonctions. Lorsqu’elle demande des heures de travail supplémentaires, celui-ci lui dit ne pas avoir de travail pour elle alors qu’il en donne aux autres personnes. De plus, lors des réunions (présidé par monsieur le Maire), il ne lui donne pas le droit de parole et la menace de salir son bilan de 2016. Suite à cette affaire, elle demande une médiation avec le Maire pour améliorer leur relation. Elle dit, je cite « Ne pas vouloir rentrer en conflit avec monsieur ».
- Lyon : Etudiante en médecine sur Lyon, cette jeune femme à effectuer un stage en interne à l’hôpital de Valence (Drôme, Rhône-Alpes). Cette pauvre étudiante a subi durant son stage du harcèlement ainsi que des propos racistes. De plus, elle était tout le temps appelée pour les services de nuit, ainsi qu’aux urgences de l’hôpital, ce qui n’est pas le meilleur moyen de la former puisque que cette femme suit des études de gynécologie. Suite à ce harcèlement et aux remarques racistes à son sujet, elle en a parlé à des chefs qui n’ont rien fait. En plus de cela, elle a dû faire face à des reproches sur ses activités syndicales et ses absences en cours. Elle subissait constamment des critiques et de l’intimidation.
- Saint-Priest : Un homme, serveur dans un restaurant, est victime de harcèlement moral de la part de ses employeurs depuis qu’ils ont appris son homosexualité (en lui posant directement la question). S’ajoute à cela une longue liste de faits discriminatoires : il fait l’objet de surveillance, d’injures homophobes, de suppression de pauses cigarette contrairement aux autres employés. On lui a même proposé une rupture conventionnelle de son contrat. De plus, son salaire n’est pas versé régulièrement, il est traité d’une manière discriminatoire et différente des autres salariés. Au final, tout cela à une conséquence sur sa santé mentale dû aux harcèlements (dépression, séjour en hôpital psychiatrique…).