Abstentionnistes : ils donnent leur voix aux résidents étrangers

Indécis-es, ne se sentant pas représenté-es par les candidat-es au poste présidentiel ou simplement militant-es en faveur du vote des étrangers, certain-es abstentionnistes ont décidé de donner leur voix à celles et ceux qui n’en ont pas.

Si, pour les abstentionnistes, ne pas voter est un choix, pour les étranger-es résidant en France, c’est une impossibilité. Afin de remédier à cette injustice, le collectif Alter-votants a eu cette idée : s’ils ne comptent pas utiliser leur voix, alors pourquoi ne pas la laisser à celles et ceux qui voudraient pouvoir s’exprimer ?

En janvier, ce collectif militant a créé une plateforme de mise en relation permettant à un-e électeur-trice français-e de voter pour le-a candidat-e choisi-e par un-e étranger-e résidant en France.

« Le but de cette plateforme est tout d’abord de redonner à la question du droit de vote des étrangers une place dans le débat public, affirme le collectif, c’est également un autre moyen pour les déçus, indécis ou militants d’exprimer leur désaccord avec le système électoral actuel. Enfin, il permettra aux étrangers qui le souhaitent de voir leur place dans la société française enfin reconnue par l’expression de leur voix »

Ceci permet de questionner notre modèle démocratique et le droit de vote non accordé à des personnes qui, pourtant, vivent et travaillent en France depuis parfois plus de dix ans. Si les ressortissant-e-s des pays venant de l’Union européenne peuvent voter aux élections municipales et européennes, ils et elles ne peuvent pas voter aux élections présidentielles.

« Les droits politiques (droit de vote et d’éligibilité) ne sont pas reconnus aux étrangers. Seuls les ressortissants des pays de l’Union européenne résidant en France ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes. En France, ils ont pu participer au scrutin pour la première fois lors des élections européennes de 1999 et des élections municipales de 2001. »

Source : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/citoyennete/citoyen-france/quels-sont-droits-etrangers.html

C’est en raison de cette absence de droits pour les étrangers qu’Adèle porte leur vote :

Donner son vote, c’est donner une part de sa liberté. On peut se dire que c’est non négociable ce genre de droits… Et puis, à force de rencontrer des personnes à qui on a ôté ce droit, j’ai réalisé qu’ils avaient toute la légitimité du monde pour s’exprimer dans leur pays d’accueil. Aujourd’hui, en donnant mon vote, c’est le système d’accueil que je questionne et conteste: une personne réfugiée par exemple apporte beaucoup à son pays d’accueil, il est logique qu’elle participe à sa gouvernance. Au delà d’un acte militant, c’est un acte démocratique et solidaire que j’ai le sentiment d’accomplir en donnant mon vote.

Capture d'écran du site d'Alter-Votants : QUELQUES CHIFFRES et quelques ​ lois ​ ​ ​ (Chiffres insee 2014) ​ Les étrangers en France : citoyens EGALEMENT Environ 3,6 millions de personnes nées à l’étranger de nationalité étrangères et 600 000 nées en France sont présentes en France, sans le droit de vote. ​ 70% des étrangers en France sont présents depuis plus de dix ans sur le territoire. ​ Le traité de Maastricht (1992) a obligé la France à ouvrir le droit de vote aux élections locales pour les seuls étrangers ressortissants de l'UE. ​ Ils travaillent, cotisent aux organismes de solidarité, paient des impôts et des taxes, participent au dynamisme et à l'économie de la société. L'ABSTENTION EN FRANCE, UN CONTRE-POUVOIR : 93% de la population en âge de voter est inscrite sur les listes électorales en France. ​ 13% d’abstentionnistes (soit environ 5,08 millions du corps électoral français) aux scrutins présidentiels et législatifs de 2012, sans compter les votes blancs ou nuls. ​ 49% d’abstentionnistes aux élections régionales en 2015, sans compter les votes blancs ou nuls. ​ La loi du 21 février 2014 dispose que "Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins."
Capture d’écran du bas de page du site http://alter-votants.wixsite.com/2017

Lors du premier tour présidentiel de 2017, l’abstention a été de 22,23%, contre 20,52% au premier tour présidentiel de 2012. L’abstention est toujours en hausse, l’intérêt et la confiance des français-es envers le modèle politique, les hommes et femmes politiques est en baisse. C’est l’une des raisons qui ont amené Rémi à donner sa voix :

[…] Je considère l’abstention comme un droit tout aussi fondamental que le droit de vote. Il est certaines élections pour lesquelles je souhaite contribuer, et d’autres pour lesquelles mon abstention signifie un refus du modèle politique dont lequel elle s’inscrit. En particulier, je milite pour une 6ème république démonarchisée, et pour cette raison je m’abstiens depuis de nombreuses années de voter aux présidentielles.

Pour autant, cette bataille m’est propre et je comprends tout à fait que d’autres puissent vouloir participer à choisir un candidat. (…) 
Je suis également militant pour le droit de vote des étrangers résidents. Et je comprends que pour un/e résident/e étranger/ère, l’identité politique d’un/e président/e ait un impact tel qu’il/elle puisse vouloir soutenir une candidature en particulier.

C’est la raison pour laquelle je serai heureux de pouvoir réitérer mon acte de 2007, offrir mon droit de vote à une personne pour laquelle notre constitution ne permet pas l’expression à laquelle selon moi elle doit avoir droit. (…)

Hamze réside en France depuis 6 ans. Originaire de l’Iran, il s’opposait à la fraude électorale ayant lieu dans son pays et qui, écrit-il sur son blog, « [vidait] son droit de vote de sens« . Arrivé en France, il n’a plus ce droit de vote qui lui est si cher, lui qui votait depuis ses quinze ans. Il ne peut participer à l’élection présidentielle, même si celle-ci « aura un énorme impact sur [sa] vie dans le pays qui [l]’accueille« . En 2012, il envoie un chèque de 20€ au parti socialiste, pour financer la campagne de François Hollande. c’est sa façon de participer. Cette année, ça ne suffit plus : il trouve un moyen de participer au système démocratique sans voter :
« tu es abstentionniste? On va discuter ensemble sur la politique française. Je vais t’expliquer pour qui je voterais si j’avais le droit de vote. Mais bien évidemment tu vas voter pour qui tu auras envie. Comme ça symboliquement, en te convaincant de voter, je participe au système démocratique. Et toi, en votant, tu approfondis la démocratie en France et donne à des gens comme moi l’ocasion symbolique de participer. Es-tu partant? »

Si, comme Adèle, comme Rémi et tant d’autres, vous désirez donner votre voix à un-e résident-e étranger-e, vous pouvez vous inscrire sur le site des alter-votants et rencontrer une personne dont vous porterez la voix.

Source : http://www.up-inspirer.fr/34624-abstentionnistes-donnent-voix-aux-residents-etrangers