Retour sur le Mardi de l’Egalité #15 : La situation des LGBT en Israël : avancée des luttes ou piège du Pinkwashing ?

Mardi 28  juin, à partir de 19h30 au centre LGBTI de Lyon, s’est tenu le débat mensuel des Mardis de l’Egalité avec une trentaine de participants. Cette 15ème rencontre abordait le thème de la situation des LGBT en Israël et le risque du Pinkwashing. Il s’inscrivait dans la Quinzaine des Cultures Lesbiennes, Gaies, Bi et Trans. La question principale tournait autour de l’avancée des luttes des LGBT et du potentiel piège du Pinkwashing en Israël.

Udi Ledergor, initiateur du mouvement des Pères Gais en Israël, aurait dû être présent pour le débat. Malheureusement il n’a pu venir mais il a enregistré une vidéo pour présenter la situation des LGBT en Israël et notamment à Tel Aviv.

En Israël, les droits des homosexuels sont assez bien valorisés malgré un ralentissement de cette avancée dans les dernières années. Aujourd’hui, Israël ne permet que le mariage religieux entre deux personnes de sexe opposé, cependant tout mariage reconnu légal à l’étranger peut être retranscrit et reconnu directement par l’Etat d’Israël.

Concernant l’homoparentalité, toutes les femmes ont accès à la Procréation Médicalement Assistée (PMA), ainsi femmes célibataires et lesbiennes peuvent avoir des enfants. Les hommes gays n’ont, eux, pas cette possibilité. De même l’adoption internationale leur est totalement fermée. Leur seule possibilité est donc la Gestation Pour Autrui (GPA). Or celle-ci n’est autorisée sur le territoire d’Israël que pour les couples mariés composés d’un homme et d’une femme. Les hommes ou les couples d’hommes doivent aller à l’étranger là où la GPA est autorisée. Depuis un recours initié par Udi Ledergor auprès de la Cour Suprême, il n’est plus nécessaire d’engager une procédure d’adoption pour faire reconnaître le lien de parentalité. Celui-ci est reconnu automatiquement en quelques mois au lieu de trois ans auparavant pour la procédure d’adoption. Il estime que 100 à 200 hommes partent chaque année à l’étranger pour des GPA.

Au sujet des transsexuels, leur droits ne sont protégés par aucune loi ou presque. Des discussions commencent seulement sur la simplification du changement d’état civil. Ces dernières années plusieurs avancées ont été obtenues : le raccourcissement du délai pour le changement d’état civil, présence d’une personne Trans identitaire dans la commission chargée de valider le changement d’Etat Civil… Mais de nombreux progrès restent à faire.  La marche des fiertés de l’année précédente a été l’occasion de faire connaitre et rendre visible les transsexuels et leurs droits. Ce combat commence à être mené par la plupart des associations LGBT.

Les partis ultra-orthodoxes font désormais parti de la coalition au pouvoir et font tout pour bloquer l’avancée des droits LGBT à la Knesset (le Parlement). C’est en passant devant la Cour Suprême que ces droits (PMA, reconnaissance des enfants nés par la GPA, reconnaissance du mariage célébré à l’étranger) ont pu être reconnus. La Knesset étant composée à la proportionnelle stricte, il est difficile de faire voter les droits des LGBT en son sein car il n’y a pas forcément de majorité sur ces questions au sein de la coalition, bien qu’il existe des groupes gays dans chaque grand parti israélien.

Udi nous a expliqué que son association n’était pas en lien avec des associations soutenant les droits humains en Palestine, mais que d’autres associations, telles que Aguda, qui est la principale association LGBT israélienne travaille avec des associations palestiniennes de défense des droits humains. Le problème étant qu’en Palestine il n’est pas autorisé de se montrer ouvertement homosexuel, ainsi il n’y a pas d’association LGBT à proprement parler. Un participant a expliqué que beaucoup de Palestiniens homosexuels venaient en Israël pour demander le droit d’asile en raison de leur homosexualité.

Le Pinkwashing, est une politique engagée par un Etat ou une entreprise consistant à survaloriser l’acceptation de l’homosexualité en la mettant en avant ou en finançant des campagnes en ce sens, pour se montrer ouvert et tolérant, tout en dissimulant le non-respect de certains droits humains. Ce nom est repris de l’expression Greenwashing, ou « écoblanchiment » consistant de la part d’une entreprise pas forcément respectueuse de l’environnement à « blanchir son image » par la publicité ou le financement de projets écologiques.

Cette situation peut-être pointée du doigt en Israël et notamment à Tel Aviv lorsque que le tourisme gay et l’accueil des LGBT sont fortement valorisés par l’Etat d’Israël alors que les droits des Palestiniens sont bafoués.

Il a cependant permis aux associations LGBT en Israël de se développer en recevant des financements gouvernementaux. Se pose alors une question éthique : comment se situer lorsque l’on reçoit un soutien économique important de la part du gouvernement pour financer ses luttes, en étant potentiellement instrumentalisé, et que d’autres minorités ou populations sont lésées par ce même gouvernement. Question qui peut se poser dans tant d’autres domaines. Dans son combat associatif, Udi a pris le parti d’accepter ces financements, tout en mettant en avant les contradictions du gouvernement. L’exemple du financement de la Gay Pride de Tel Aviv et de la promotion du tourisme gay est tout à son honneur. En effet, son association a critiqué le fait que d’énormes sommes ont été débloquées pour publiciser cet événement alors qu’en parallèle l’avancée des droits des LGBT était bloquée depuis des années au Parlement.

L’un des participants s’est questionné sur l’utilité de nommer le phénomène qui se passe en Israël comme du Pinkwashing, argumentant que si 76% de la population israélienne était pour le mariage homosexuel, était-ce réellement du Pinkwashing que de valoriser l’acceptation des LGBT, ou bien simplement soutenir une cause reconnue par la population ?  La question de la convergence des luttes est aussi entrée en compte : qu’en est-il du droit des femmes à l’avortement en Israël par exemple ? Le féminisme étant une lutte qui va de pair avec la cause LGBT en général.  Mais cette convergence est souvent favorisée par les circonstances. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir…

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