Pourquoi Agir pour l’Egalité a porté plainte contre le maire de Charvieu-Chavagneux.

Jeudi 2 mars 2017, l’équipe Agir pour l’Égalité se rendra à Grenoble pour assister au procès contre la commune de Charvieu-Chavagneux et son maire Gérard Dezempte. Nous estimons que la délibération de septembre 2015 limitant l’accueil des réfugié.es aux chrétien.nes est une atteinte aux principes d’égalité et de laïcité et est contraire à la loi. A ce titre, nous espérons que la justice annulera l’arrêté municipal au plus vite. A la veille du procès, que nous attendons depuis un an et demi, il est temps de faire le point sur les origines et les ramifications de cette affaire.

Le maire de la commune n’en est pas à ses premiers faits d’armes en matière de déclarations et discriminations racistes. Un incident notable est venu cristalliser les tensions entre les immigré.es notamment arrivées lors de la révolution industrielle, et les français.es « de souche » (on sait bien à quelle point néanmoins cette expression n’a de sens que pour les racistes qui la mobilisent). En effet, le 19 août 1989, à 7h du matin, une mosquée est détruite alors que 5 personnes sont encore dedans. L’une d’elle est d’ailleurs blessée. Avec le bâtiment, ce sont également les livres, les objets de culte, et l’histoire du lieu qui ont été réduits en poussière. M. Dezempte fait état d’une erreur sur le bâtiment à abattre, assurant qu’il avait ordonné à une société de démolir l’aile sud des locaux désaffectés et non l’aile nord, réservée au lieu du culte. Pourtant, les tracts distribués pendant sa campagne étaient sans ambiguïté :

Avec Gérard Dezempte, il n’y aura pas de mosquée, vous garderez votre identité.

Depuis, les témoignages se multiplient au sujet des double standards dans les traitements accordés aux différentes populations. Il s’agit par exemple de refus d’accords de vente de terrains ou de maisons lorsque les acheteur.ses sont musulman.es ou simplement ont l’outrecuidance de porter un prénom/nom à consonance étrangère. On se souvient notamment du scandale en 2000 de l’histoire de la maison du couple Ghezzal : alors qu’ils allaient acquérir une propriété, ils apprennent par lettre que le maire a usé de son droit de préemption pour en faire un local associatif. Pourtant, ils découvriront quelques mois plus tard que la maison a finalement été vendue à un couple ayant un nom plus français (…). Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres. Les musulman.es de Charvieu témoignent de leur colère quant aux délais auxquels ils doivent faire face pour obtenir des logements (plusieurs années), alors que leurs voisin.es « français.es » (entendre ici, en fait, blanc.hes) reçoivent des réponses en quelques jours.

Pour en savoir plus, il est possible de visionner le reportage suivant :

Dans ce climat délétère, le 8 septembre 2015, le conseil municipal adopte à l’unanimité une délibération jouant sans pudeur sur l’amalgame entre musulman.e et terroriste afin d’accepter d’accueillir uniquement une famille de réfugié.es chrétien.nes :

Considérant, en premier lieu, que les chrétiens ne mettent pas en danger la sécurité d’autrui ; qu’ils n’attaquent pas les trains armés de kalachnikov, qu’ils n’abattent pas des journalistes au sein de leur rédaction et qu’ils ne procèdent pas à la décapitation de leur patron.

Le préfet de l’Isère saisit alors le tribunal administratif de Grenoble qui suspend l’arrêté en référé le 12 novembre 2015 :

L’association Agir pour l’Égalité a déposé un recours en excès de pouvoir le 5 novembre 2015 afin de faire annuler définitivement l’acte, et c’est à ce titre que nous attendons la décision de la justice qui aura lieu demain.

En parallèle, la Maison des Potes a également déposé une plainte le 15 octobre 2015 afin que le maire et ses complices soient condamnés pour leurs actes. Nous demandons également la prononciation de inéligibilité du maire.  Le parquet a diligenté une enquête dont nous attendons impatiemment les résultats.

Gérard Dézempte en est à son 6eme mandat, et a été constant dans ses positions racistes, avec une décomplexion qui laisse pantois.e. Il nourrit son discours d’une idéologie essentialiste déjà bien étudiée. On ne parle plus de hiérarchie de races, mais d’«ethnie», de «culture», d’«identité ethnique», ou encore de «spécificité culturelle» afin de justifier les différences de traitement, la xénophobie et le repli sur soi. On vous conseille à ce titre la lecture édifiante de l’article de Franz Fanon intitulé sobrement « Racisme et culture » (Présence Africaine, 1/2002 (N° 165-166), p. 77-84), dont voici quelques extraits :

Le racisme n’a pas pu se scléroser. Il lui a fallu se renouveler, se nuancer, changer de physionomie. Il lui a fallu subir le sort de l’ensemble culturel qui l’informait. […] Le racisme vulgaire, primitif, simpliste prétendait trouver dans le biologique, les Écritures s’étant révélées insuffisantes, la base matérielle de la doctrine. Il serait fastidieux de rappeler les efforts entrepris alors : forme comparée du crâne, quantité et configurations des sillons de l’encéphale, caractéristiques de couches cellulaires de l’écorce, dimensions des vertèbres, aspect microscopique de l’épiderme, etc. […] Ces positions séquellaires tendent en tout cas à disparaître. Ce racisme qui se veut rationnel, individuel, déterminé, génotypique et phénotypique se transforme en racisme culturel. L’objet du racisme n’est plus l’homme particulier mais une certaine forme d’exister. À l’extrême on parle de message, de style culturel.

Il est bon d’apprendre à discerner et enrayer les éléments de langage d’extrême-droite qui ne sont là bien souvent que pour justifier des pratiques inacceptables. On vous tiendra informé des suites de cette affaire.