Retour sur le Mardi de l’Egalité #14 : « Minorités en Turquie, quelle convergence des luttes ? »
Mardi 31 Mai, à partir de 19h au local d’ « Agir pour l’Egalité », s’est tenu le débat mensuel des Mardis de l’Egalité. Cette 14ème rencontre abordait le thème des minorités en Turquie et la convergence des luttes.
Les personnes ressources du mouvement « Charjoum » ont lancé le débat en rappelant les faits de ces dernières années en Turquie après l’élection d’Erdogan en 2014.
Ci-dessous les grandes lignes du débat.
- En Turquie, sont considérés comme étant de la majorité, les citoyens qui sont à la fois turcs, musulmans, sunnites et hommes. Toutes les personnes qui ne rentrent pas dans ces critères sont alors classés comme minorités.
- Officiellement en Turquie, tout le monde est considéré comme étant Turc. Cependant, la religion et/ou l’ethnie est stipulée sur la carte d’identité. Et si l’on peut faire effacer cette ligne sur la carte, officieusement un fichage des communautés existe, répertorié sous différents codes. Celui-ci a été découvert il y a quelques années lorsqu’un député du parti AKP, pour argumenter dans un débat, a sorti une fiche avec des chiffres précis des différentes communautés.
- Une grande différence des mentalités existe entre la capitale turque, Istanbul, et le reste de la Turquie, il faut en prendre pleinement conscience. Istanbul renvoie à Paris ou New-York, les habitants vivent une toute autre réalité.
- Beaucoup de personnes issues des minorités ne peuvent pas votées car elles sont emprisonnées. Des vagues d’arrestation ont lieu de manière récurrente.
- Situation particulière des Kurdes. Une véritable guerre est menée contre eux. Le gouvernement turc bombarde une partie des villes au sein du Kurdistan syrien avec l’objectif de détruire une partie des villes, puis de les reconstruire pour installer des populations turques, syriennes, de manière à disperser les Kurdes. Aujourd’hui, la préoccupation principale des Kurdes est de pouvoir se défendre physiquement. Leurs revendications de base sont d’avoir le droit de parler leur propre langue, de pouvoir exister en tant que kurde, d’avoir une forme de contrôle sur leur territoire et leurs institutions. Ces revendications sont de plus en plus revues à la baisse ces derniers temps. Contrairement aux autres minorités, les Kurdes peuvent mener une lutte différente car ils sont majoritaires sur leur terre.
- Pour toutes les autres communautés issues des cultures chrétiennes, ce sont d’autres revendications mises en avant tel que la reconnaissance des massacres, le contrôle de leurs écoles (…).
- Pour les Alévis, la principale revendication est l’arrêt de l’assimilation à la population turque et l’arrêt de l’Islam obligatoire dans les écoles, le droit d’avoir un travail de manière générale…
- Il n’y a pas de réelle convergence des luttes car les revendications des différentes minorités ne sont pas les mêmes. De plus, le réveil des minorités est encore jeune, il n’a qu’une dizaine d’années, cependant il a passé un cap avec le mouvement protestataire de « Gezi » en 2013 et le gouvernement turc sait très bien que le mouvement prend de l’ampleur. Un engagement politique commence à se mettre en place avec le HDP notamment, qui représente un début de convergence des luttes.
- D’autre part la convergence des luttes ne peut être que mondial, car en Turquie la situation est bloquée, il est difficile d’avoir des revendications communes, alors qu’à l’extérieur du pays c’est possible. L’exemple des arméniens votant pour le parti HDP au mois de Juin dernier l’illustre bien : C’est la première fois que les arméniens ont décidé de faire quelque chose ensemble ces dernières années, et cette « communion » ne se refera pas dans les années qui viennent car ils ont peur de ce qui pourrait leur arriver si jamais ils se révoltaient. Le plus gros travail est fait de manière clandestine par des groupes tels que TKPLM, PKK, …
- Il y a des écoles arméniennes, juives, grecques qui sont autorisées par le gouvernement turc, mais elles sont privées et ne reçoivent pas de financement de la part de l’Etat. Ce sont les communautés qui gèrent les écoles, c’est elles qui mettent en place le directeur (qui vient de la communauté également). Cependant, le ministère de l’éducation turc envoie un sous-directeur turc. C’est également le gouvernement turc qui gère le programme et les cours d’histoire-géographie se font en langue turque. Pour exemple, dans les livres d’Histoire des écoles arméniennes notamment, concernant le génocide arménien, il est noté que « les arméniens pour leur propre sécurité ont été déportés dans un endroit plus sûr ».
- La religion est aussi contrôlée par le gouvernement turc. Le responsable religieux de chaque communauté est payé par l’Etat.
- Il y a des turcs dans le mouvement des minorités. Ce sont même les plus courageux car ils doivent affronter leur famille qui les renie, alors qu’en Turquie tout est familial. Tous ceux qui sont du groupe dominant turc et qui sont allés soutenir les minorités, ils sont à la fois rejetés du groupe dominant et pas intégrer par les minorités.