Le déroulement du procès de la mairie de Charvieu-Chavagneux

Levée aux aurores, la fine équipe d’Agir a bravement affronté le mauvais temps pour se rendre au tribunal administratif de Grenoble afin d’assister au procès sur la délibération du 8 septembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Charvieu-Chavagneux s’est prononcé pour l’accueil d’une famille de réfugié.es à la condition expresse qu’elle soit chrétienne. L’audience a débuté vers 10h – M. Dezempte ne nous a pas fait l’honneur de sa présence mais avait délégué, pour assurer sa défense, son directeur de cabinet, Pierre Meurin.

L’enjeu était de juger conjointement la demande d’annulation de la délibération par le préfet de l’Isère, ainsi que cette même demande d’annulation additionnée d’une demande de 1500 euros pour les frais de justice par Agir pour l’Égalité.

La séance a commencé avec les conclusions du rapporteur public qui a clairement soutenu la position d’Agir, ce qui nous laisse présager un jugement en notre faveur : il a estimé que la délibération faisait effectivement grief, et qu’à ce titre, Agir pour l’Egalité était légitime à porter plainte. Cette délibération appelait de ses voeux un traitement discriminatoire des réfugié.es, et entrait donc en contradiction avec le principe d’égalité devant la loi que prône la France.

La représentante de la préfecture a insisté sur le fait que finalement, nous étions en présence d’une mesure qui témoignait d’incompétence matérielle, de discrimination et portait atteinte aux principes d’égalité et de laïcité.

Ce fut ensuite le tour de notre avocat, Grégory Mollion (big up à lui, il fut au top). Sa plaidoirie consistait à insister la violation manifeste du principe d’égalité. Il s’agit d’une « décision qui voulait favoriser une famille en excluant une multitude. » On a là tout le « cynisme de cette mesure qui fait indiscutablement grief » dans la mesure où elle « modifie l’ordonnancement juridique pour l’ensemble de cette catégorie exclue ». L’accusation d’incompétence est légitime puisqu’une commune ne peut se substituer à l’État, d’autant plus qu’on ne retrouve aucun intérêt communal dans cette décision. Nous sommes face à un incroyable cumul d’illégalités. Cette décision est si grave, que Me. Mollion a estimé nécessaire de demander au tribunal de la déclarer nulle et non avenue. La déclaration d’inexistence est l’annulation la plus forte juridiquement, et si nous l’obtenons cela nous permettrait de poser un acte symbolique qui signifierait à la commune de Charvieu-Chavagneux qu’elle ne peut certainement pas prétendre à appliquer ses principes racistes sans conséquences.

Enfin ce fut le tour de M. Meurin, qui insista avec un aplomb étonnant sur le caractère moralisateur de l’accusation d’Agir pour l’Egalité.

L’accusation relevait selon lui « plus de la leçon de morale que de l’argument juridiquement construit. »

On peut très certainement lui reconnaître une forme de courage (ou une mauvaise foi remarquable ?) à assumer ce discours alors même que la délibération en question est parsemée de références à la morale/doctrine catholique.
On vous en reproduit quelques passages savoureux :

Considérant que le dimanche 6 septembre, le Pape François a invité les paroisses catholiques d’Europe à accueillir chacune une famille de réfugiés

Considérant en second lieu que la charité et l’humanité de chacun doit nous conduire à l’ouverture aux autres

Considérant, en dernier lieu, que le 24 mai 1250, Saint Louis énonça devant les chrétiens d’Orient, : « Pour nous et nos successeurs sur  le trône de France, nous promettons de vous donner à vous et à tout votre peuple notre protection spéciale comme nous la donnons aux Français eux-mêmes. » que cette promesse a traversé les siècles, faisant de la France une fidèle protectrice des chrétiens d’Orient

Bon, voilà, cela se passe de commentaires ? Là où nous parlons d’incompétence matérielle, d’atteinte aux principes d’égalité et de laïcité et de principes discriminatoires, on nous oppose une vision de la France chrétienne. Qui est dans la leçon de morale et qui est dans l’argument juridique, on se le demande…

Quoiqu’il en soit, nous connaîtrons le délibéré d’ici deux à trois semaines, et ne manquerons pas de vous tenir au courant ! A très vite pour la suite du feuilleton des mesures racistes de la mairie de Charvieu-Chavagneux !