Explosion de LGBT-phobies : que fait la police ?

La haine anti-LGBT a (encore) frappé à Lyon la semaine dernière, dans la nuit du vendredi au samedi. Alors qu’il regagnait sa voiture à la sortie d’un établissement fréquenté par la communauté gay, Michel, 48 ans, a été interpellé par un homme qui lui demandait une cigarette. Il s’agissait en réalité d’un guet-apens : un deuxième individu a soudainement surgit et les coups ont commencé à tomber. « Coups de poings, de pieds, je ne voyais absolument rien » raconte Michel à LyonMag. Il entendait en revanche clairement

« Sale Pédé ! » et « On t’a vu sortir de chez les Pédés ! ».

Les agresseurs ont fini par prendre la fuite lorsque des personnes sont passées dans la rue, et Michel est parvenu à monter dans un taxi qui l’a amené aux urgences. Il envisage de porter plainte cette semaine « pour tenter de protéger les autres en espérant que de tels actes ne se reproduisent pas ». Il ne souhaitait pourtant pas le faire au départ, car déjà victime d’une agression homophobe, il ne s’était pas senti accompagné la première fois. « Je ne voulais pas puisque c’est la seconde fois que je suis agressé et la dernière fois ma plainte avait abouti à rien », confie-il.

Il ne reste qu’à espérer que les forces de l’ordre se montreront plus impliquées qu’elles ne l’ont été lors de sa première agression, et dernièrement dans des affaires semblables à Lyon. En effet, cette agression n’est pas sans rappeler celles de Jimmy Riot et de Simon Labourye, deux jeunes lyonnais victimes d’actes homophobes qui se sont déroulés ces deux derniers mois.

Une police qui fait la sourde oreille.

Simon Labourye, 28 ans, a décidé de témoigner à visage découvert sur son agression. Dimanche 7 octobre vers 17h, en quittant la terrasse d’un fast-food place Bellecour, le jeune homme et cinq de ses amis ont reçu des insultes provenant d’un groupe d’individus d’une vingtaine d’années. Alors que Simon sortait son téléphone afin d’appeler la police, les individus l’ont frappé à la nuque avant de prendre la fuite, s’engouffrant dans la bouche de métro à proximité. Tout cela dans l’indifférence générale des témoins de la scène, et tout bon lyonnais sait que la place Bellecour et le fast-food en question sont des lieux très fréquentés.

Simon a pu composer le 17 immédiatement après, le policier au bout du fil lui a alors demandé de descendre dans la station de métro pour vérifier si les agresseurs étaient toujours là.

« Je leur ai dit que c’était un peu compliqué pour moi de descendre seulement dans le métro après cette agression – explique Simon – «  J’ai descendu 3 marches, et ils n’étaient pas là. Le policier m’a répondu qu’ils ne se déplaceraient pas parce que les agresseurs étaient sûrement partis ».

Quelques jours plus tard, la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Rhône a reconnu dans un communiqué que « la réponse du policier était inadaptée » et déclare avoir « engagé une procédure interne pour faire la lumière sur ce manquement ».

En effet, comment une victime peut-elle se sentir protégée quand on lui demande de suivre ses agresseurs ? La justice n’est pas censée protéger les victimes mais punir les coupables, nous répondrait-on. Or même lorsque les auteurs d’agressions homophobes sont arrêtés, celles-ci ne sont pas toujours reconnues comme telles, et la peine encourue est donc moins importante.

La justice peine à reconnaître la réalité des agressions LGBTphobes

A l’instar de Michel, Jimmy, 34 ans, sortait de boîte gay dans la nuit du 29 au 30 septembre quand il été interpellé par un individu qui demandait des cigarettes aux passants sur la place des Terreaux. Le jeune homme a refusé, ce qui lui a valu d’être violemment rué de coups et insulté à plusieurs reprises de « sale pédé ».

L’agresseur a été identifié et arrêté cette fois-ci. Jimmy a porté plainte, or le policier en charge du dossier n’a pas souhaité retenir le caractère homophobe de l’agression.

«J’ai été agressé pour une clope, pas parce que j’étais gay. Voilà ce que décrète ce policier en charge du dossier. Cela aurait pu être n’importe qui, qui lui refusait une clope, et ça a été moi. Il a dit pédé comme il aurait pu dire « connard » ou « pouffiasse ». Seulement voilà : c’est tombé sur moi et sur personne d’autre, je suis un « pédé » plus qu’un « connard » ou qu’une « pouffiasse » et mon homosexualité, je la jette au visage de la terre entière quand je marche guilleret et apprêté dans la rue le samedi soir parce que je suis fier de ce que je suis » déplore Jimmy.

Le policier a ajouté que le dossier n’irait nulle part si Jimmy ne signait pas la déposition. Cette agression lui ayant valu 15 jours d’ITT (incapacité temporaire de travail, ndlr), le jeune homme a fini par signer, persuadé que l’affaire serait jugée comme un délit par un tribunal correctionnel.

Or entre temps, l’ITT de Jimmy a été réévaluée à 5/6 jours par le médecin légiste. L’affaire sera donc jugée en décembre par le tribunal de police, en charge des contraventions, car le procureur n’a retenu que la qualification de « violences légères ».

Les violences légères sont en effet considérées comme une simple contravention quand la durée de l’ITT est inférieure ou égale à 8 jours ou qu’elles ne sont pas accompagnées d’une ou plusieurs circonstances aggravantes. Quand il est retenu, le caractère homophobe d’un acte est une circonstance aggravante et suffit à caractériser cet acte comme un délit. Mais apparemment, se faire frapper et insulter de « sale pédé » ne suffit pas à définir une agression comme homophobe.

Un rassemblement pour dénoncer la recrudescence des ces actes

Le 10 novembre dernier, un rassemblement contre les LGBT-phobies a eu lieu place des Terreaux, avec la participation d’associations engagées dans la cause dont Agir pour l’égalité. Ce fut l’occasion de dénoncer l’indifférence face à ces agressions et de réclamer des actions concrètes du gouvernement.

Nous attendons de sa part qu’il sensibilise la population à la lutte contre les LGBT-phobies au niveau national et qu’il forme le corps enseignant, le corps judiciaire et les forces de l’ordre à ces violences spécifiques.

L’enjeu est d’autant plus important que ces agressions s’inscrivent dans un contexte de hausse des signalements d’actes homophobes. Le rapport annuel de SOS homophobie publié en mai dernier a constaté une hausse de 4,8% de témoignages d’actes LGBTphobes sur l’année 2017, alors qu’une tendance à la hausse était déjà constatée en 2016 (+19,5%). Les dizaines d’agressions médiatisées ces derniers mois dans de nombreuses villes de France et les débats houleux autour de la PMA laissent à penser que les chiffres de l’année 2018 n’iront pas en s’améliorant. En septembre dernier, SOS homophobie a d’ailleurs enregistré une hausse de 37% des témoignages. Il faut toutefois nuancer : ces chiffres démontrent une hausse des signalements, mais on ne connaît pas la part des actes non signalés. Cela ne signifie donc pas forcément que les actes homophobes augmentent, mais qu’ils sont de plus en plus visibles. C’est un aspect positif dans la mesure où il y a une libération de la parole des victimes.

Or si les victimes osent de plus en plus témoigner et franchir les portes d’un commissariat, il faut qu’elles aient la garantie d’être bien accueillies par la personne en face, et que leurs plaintes soient prises en compte avec le caractère homophobe des actes. Si ce n’est pas le cas, les portes seront de moins en moins franchies, provoquant une baisse des dépôts de plainte qui pourrait être interprétée à tort comme une baisse de l’homophobie. Ainsi, même si la réponse judiciaire n’est pas toujours à la hauteur des attentes légitimes des victimes il est très important qu’elles déposent plainte et n’hésitent à témoigner.

Un plan de lutte contre les LGBTphobies

En réponse à cela, Emmanuel Macron s’est entretenu le 22 novembre avec une quinzaine de représentants d’associations LGBT+ afin d’envisager des mesures concrètes face à ce climat.

Marlène Shciappa, secrétaire d’État chargée de la lutte contre les discriminations, a ainsi présenté lundi dernier en conseil des ministres un plan de lutte contre les violences LGBT, annoncé pour 2019. Il y aura, entre autres, une campagne de communication nationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, diffusée dans la presse et sur internet. Dans les établissements scolaires, une campagne de sensibilisation spécifique en direction des élèves sera également lancée en début d’année prochaine. Dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, des référents contre la haine anti-LGBT seront désignés. Gendarmes et policiers bénéficieront de formations dédiées à l’accueil des victimes concernées.


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